Comment utiliser : la LIE, la LSE, le domaine d’explosivité d’une substance explosive ?

Nous l’avons vu, la LIE et la LSE bornent le domaine d’explosivité constitué par l’ensemble des concentrations explosives d’une substance explosive dans l’atmosphère. Pour situer le risque, l’employeur va apprécier la concentration de la substance explosive selon la quantité en emploi, comparer celle-ci aux limites d’explosivité. En mesure de prévention, il se donnera une marge de sécurité, puis diluera la concentration au moins jusqu’à la concentration de sécurité par un système d’aspiration/ filtration de l’ATEX.

La LIE sert à relier le risque d’apparition d’ATEX à la quantité de produit en emploi.

La Limite Inférieure d’Explosivité se compare aux concentrations de substance explosive qui pourraient former ATEX. Ces concentrations dépendent du débit d’émission des substances explosives. Lui-même résulte de la quantité de produits en présence dans la situation opérationnelle étudiée. L’employeur estimera ces concentrations pour divers scénarios de formation d’ATEX.

limite inférieure d’explosivité

Un exemple théorique : celui d’un scénario ATEX de fuite de gaz hors d’une tuyauterie. Du débit dans la tuyauterie dépend le débit d’émission du produit inflammable dans l’atmosphère ambiante. D’où résulte le calcul des gradients de concentration dans l’espace de travail. On situe les valeurs des concentrations par rapport au domaine d’explosivité. On en déduit le degré de risque d’ATEX. On évalue la permanence de ce risque, selon la position dans l’espace de travail. On détermine ensuite les zones ATEX. On applique enfin des mesures de prévention, telle que l’aspiration filtration du gaz inflammable. Le débit d’aspiration prend en compte le débit de fuite potentiel du gaz inflammable.

Un exemple réel : en 2011 une cuve à papier de 1000 m3 remplie à 95% explose à Nogent sur Seine faisant un mort. La pâte à papier a émis de l’hydrogène dans l’atmosphère de la cuve. Le débit d’émission par unité de masse sèche est de 20 dm3 par heure (siccité de la pâte 10%). A ce débit, la LIE est atteinte au bout de 1,6h. L’hydrogène s’est mélangé avec l’atmosphère de la cuve pour former une ATEX. Suite à cette explosion, l’employeur a équipé les cuves d’une ventilation verticale pour diluer l’hydrogène dans l’atmosphère dès son émission avec ouverture du haut de la cuve.

Le domaine d’explosivité, la LIE, la LSE, renseignent sur la formation d’ATEX, et l’ampleur du risque d’explosion lié au produit.

LIE et LSE précisent l’amplitude du domaine d’explosivité, des domaines inférieur et supérieur d’explosibilité (domaines des concentrations non-explosives d’une substance explosive). Conséquence : elles renseignent à la fois la probabilité d’inflammation et d’explosion de l’ATEX, et la probabilité de formation d’ATEX.

Ainsi, plus le domaine d’explosivité s’élargit, plus les plages de concentrations non explosives se réduisent. Donc plus une émission de substance explosive aura de probabilité de produire une concentration se situant dans le domaine d’explosivité.

En outre, la plage de concentrations explosive s’étend, plus la probabilité du risque d’explosion augmente. (Notons que la probabilité du risque d’explosion dépend d’autres facteurs liés à l’atmosphère et l’environnement industriel.) Quand la mesure de prévention préconisée est l’aspiration filtration, le débit d’aspiration de l’ATEX dépend en partie de la concentration en substance explosive de cette atmosphère. (Notons que la concentration en substance explosive n’est pas le seul facteur déterminant le débit d’aspiration nécessaire pour assurer la sécurité de la zone.)

domaine dexplosivite 1

Par exemple, le domaine d’explosivité de l’hydrogène a 71 points de pourcentage (4% à 75% en volume dans l’air), tandis que le propane 7,8 points de pourcentage (2,2% à 10% en volume dans l’air) ; soit environ 10 fois moins. Donc les occasions de rencontrer des situations explosives sont plus nombreuses avec l’hydrogène.

Et le temps de dilution de l’ATEX par aspiration pour réduire le risque ATEX sera d’autant plus long que la substance se situe à une concentration explosive proche de la limite supérieure du domaine d’explosivité.

Par ailleurs, pour la même amplitude du domaine d’explosivité, plus la LIE est basse, (ou plus la LSE est haute dans le cas d’une atmosphère appauvrie en oxygène), plus le domaine d’explosibilité inférieur (ou supérieur) est réduit. En conséquence plus rapide est le passage d’une concentration non-explosive à une concentration explosive. Donc plus la LIE est basse plus le risque de formation d’ATEX est élevé.

domaine dexplosivite 2

Par exemple, si la situation initiale est une atmosphère sans substance combustible, alors le propane (LIE = 2.2%) présente un risque plus élevé de formation d’ATEX que l’hydrogène (LIE = 4.4%). Mais le risque d’inflammation et d’explosion est plus faible.

Dans la plupart des conditions d’exploitation, il s’avère plus facile de conserver la concentration sous la LIE. Pour y parvenir, l’aspiration / filtration des substances combustibles en est la mesure de prévention habituelle. Plus la LIE est basse plus le débit d’aspiration doit être élevé, soit pour sortir du domaine d’explosivité, soit pour réduire les concentrations explosives jusqu’à l’élimination de la substance dans l’atmosphère.

Certains process industriels nécessitent plutôt de maintenir le produit explosif à une concentration au-dessus de la LSE. Par exemple des procédés de nettoyage en immersion dans un solvant inflammable et en atmosphère confiné.

Le domaine d’explosivité sert à prendre une marge de sécurité en prévention de la formation d’ATEX.

Pour éviter la formation d’ATEX, il s’agit de contenir la concentration du gaz ou de la vapeur hors du domaine d’explosivité. Selon les conditions ambiantes, une atmosphère explosible deviendra plus ou moins homogène en produits combustibles. Par exemple, suite à des turbulences, certaines zones considérées hors ATEX, pourraient acquérir une concentration explosive.

Ainsi en prévention du risque ATEX, l’employeur prendra une marge de sécurité sur les valeurs seuils d’explosivité. A ce sujet, la réglementation ATEX préconise d’établir la concentration à 10% sous LIE, à minima, dans le lieu de travail où l’ATEX pourrait se former. Et sous le seuil de 25% dans les autres locaux.[i]


[i] Circulaire du 09/05/85 relative au commentaire technique des décrets nos 84-1093 et 84-1094 du 7/12/1984 concernant l’aération et l’assainissement des lieux de travail