Les technologies du dépoussiérage industriel

Il existe deux grandes voies de dépoussiérage : voie sèche, voie humide. En voie sèche, on distingue les dépoussiéreurs à couche filtrante (filtres à manches, poches, cartouches) mécaniques (cyclones), électrostatiques (électrofiltres) ; la voie humide regroupe les laveurs, laveurs-venturi, colonnes à bulles, électrofiltres humides. Le choix d’un dépoussiéreur s’oriente selon des critères de performances attendues, de contraintes budgétaires, de procédés industriels à dépoussiérer, notamment la taille des particules émises

Les dépoussiéreurs à couches filtrantes (filtres à manches, poches, cartouches)

Le principe : l’air empoussiéré traverse un média filtrant poreux ; il retient toutes les particules de taille supérieure à la porosité du média. 

Le dispositif comprend un caisson avec à sa base une trémie de récupération des poussières. Le caisson contient des rangées (verticales ou horizontales) d’éléments filtrants (manches, poches, cartouches) que traverse le flux d’air empoussiéré. Celui-ci aura préalablement rencontré à l’entrée du caisson un déflecteur. Par impaction inertielle, il sépare du flux d’air les plus grosses particules qui chutent dans la trémie. 

Les poussières restantes se déposeront ensuite sur la surface des médias filtrants. Le flux d’air sort, dépoussiéré, de la couche filtrante formée par la paroi poreuse des éléments filtrants. Les particules, déposées en continu, s’agglomèrent en une couche contribuant à la filtration de l’air : le gâteau de filtration. Ce dernier amplifie l’efficacité de la captation des poussières. A contrario il augmente la perte de charge (l’encrassement se mesure par la différence de pression statique entre l’amont et l’aval du medium filtrant). Cela nécessite : soit de remplacer le média (jetable en papier, feutre, …), soit un décolmatage périodique (en marche ou à l’arrêt) pour régénérer le média filtrant.

En général, pour assurer la continuité d’exploitation, les opérations de décolmatage se font de manière automatique et séquencée sur une partie de l’ensemble des média filtrants, l’autre partie continuant la filtration. A contrario, le décolmatage manuel nécessite une intervention en fin de procédé, sinon son arrêt. La durée de colmatage du filtre jusqu’à l’atteinte d’une perte de charge critique doit pouvoir s’aligner sur la durée du procédé.

Les principales méthodes de décolmatage des éléments filtrants sont :

  • Le secouage mécanique qui provoque une onde de déformation de la toile des manches pour faire chuter le gâteau de filtration.
  • Le décolmatage par inversion du flux d’air à l’intérieur des pores du média filtrant. Il s’effectue automatiquement à partir d’une limite de perte de charge ou d’une durée définie.
  • Le décolmatage pneumatique des manches par injection d’air comprimé (jet-pulse), contrecarrant momentanément la filtration, et décollant les poussières du filtre. Il a l’inconvénient de remettre en suspension les poussières, dont une partie se fixera sur les médias voisins ; d’où le décolmatage par groupe d’éléments pour limiter le phénomène. 

Les filtres à manche nécessitent une faible vitesse de filtration pour préserver la régénération des filtres. En effet la vitesse ascensionnelle du flux ne doit pas s’opposer, lors d’opérations de décolmatage en cours de fonctionnement, à la vitesse de sédimentation des particules décolmatées. La vitesse de filtration varie entre 0,6 et 6cm/s selon les poussières et le gaz à traiter, le type de média filtrant. La vitesse de filtration ou ration de filtration est également exprimée en m3/h.m²

Les médias filtrants proposent une diversité de structures : tissus, feutre aiguilletés, composites, membranes, céramique. Ils sont fabriqués à partir de matière synthétique (PET, nylon), minérale (verre), organique (cellulose). Le traitement de ces fibres vise à améliorer certaines propriétés : résistance chimique, conductivité, hydrophobe, oléophobe,…adhésivité., mouillabilité. 

Le choix d’un élément filtrant s’effectue selon la concentration des poussières dans le flux à traiter, la nature des poussières, la composition des gaz, l’efficacité requise, la méthode de décolmatage, la résistance à la température, les contraintes économiques.

L’efficacité de captation d’un dépoussiéreur présente un minimum pour les particules de diamètre entre 0,1 et 0,5µm (trop grosses pour être collectées par diffusion, trop petites pour l’être par impaction ou interception). A 0,1µm l’efficacité atteint 95%. Au-delà de 0,5µm elle est supérieure à 99%. On pourra ajouter si nécessaire un étage de filtration de sécurité HEPA H13 ou H14 lorsque les concentrations à atteindre en émission sont particulièrement basses.

Cette technique de dépoussiérage atteint un haut niveau de séparation et s’adapte à une grande variété de concentration des émissions de poussières. La technologie par couche filtrante est la plus utilisée dans l’industrie pour la séparation gaz/solide, car les dépoussiéreurs à filtre à manches ou à cartouche associent une bonne efficacité et un coût opérationnel intéressant.

Les dépoussiéreurs mécaniques : cyclones, décanteurs

Cyclones

Le principe de fonctionnement : mettre en rotation l’air empoussiéré dans un cyclone ; la force centrifuge plaque les poussières sur sa paroi où elles s’agglomèrent, puis sédimentent dans la trémie. L’air épuré remonte par le centre du cyclone vers la sortie située au centre du sommet du cyclone.

La séparation des poussières est d’autant plus efficace que :

  • le rayon du cyclone est petit (augmente la force centrifuge)
  • la concentration des particules est élevée (favorise leur agglomération)
  • la masse volumique des particules est élevée (trajet plus rapide vers la paroi)
  • la température du flux d’air est basse (diminue la viscosité du gaz, augmente l’effet cyclonique)

Un fort débit d’air en entrée de cyclone favorise la collecte des particules fines.

Les cyclones ne satisfont pas la réglementation en matière de pollution de l’air. Ils servent en général de dépoussiéreurs primaires ou de pré séparateurs pour les particules grossières ou les escarbilles par exemple. Leur faible coût lié et leur simplicité les avantagent pour cet usage. Les cyclones seront choisis pour collecter des particules de l’ordre de 10μm et supérieures. 

Décanteurs

Il s’agit de pré-séparer par décantation les plus grosses particules dans une enceinte (boite de détente, chambre de décantation). Une vitesse de 5m/s de l’air empoussiéré permet de décanter les particules de taille supérieure à 30µm.

Les dépoussiéreurs humides : laveurs, venturi, colonnes à bulles

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Le principe de fonctionnement : mettre en contact l’air empoussiéré avec un liquide de lavage.

On recherche l’effet de mouillage de la particule. On favorise le contact liquide et poussière : 

  • soit par condensation de la vapeur autour de la particule, 
  • soit par ajout de tensioactifs pour faire adhérer la poussière à la goutte de liquide. 

L’air dépoussiéré est séparé du liquide empoussiéré par centrifugation ou inertie. La séparation des poussières est d’autant plus importante que le mélange est intime ou que les gouttes sont petites (sans être trop fines pour se séparer de l’air). 

Dans un laveur, l’air circule de bas en haut et des pulvériseurs éjectent à contre-courant les gouttelettes d’eau.

Un venturi permet d’accélérer la vitesse de l’air empoussiéré avec un convergent pour augmenter l’impact entre particules et gouttes pulvérisées. Ensuite un divergent ralentit la vitesse et permet l’agglutination de poussières. Enfin, le flux d’air passe dans un séparateur de type cyclonique e où la captation des poussières se fait par centrifugation et inertie. Le flux d’air dépoussiéré remonte par le centre du cyclone vers la sortie centrale au sommet.

Les laveurs et les laveurs-venturis sont efficaces pour des particules entre 0,5 et 1 μm. Au-dessous de 0,5µm l’efficacité de captation s’accompagne d’une perte de charge importante, donc d’une plus grande consommation d’énergie. Cependant la captation des particules supérieures au micron augmente avec la concentration en poussières.

L’efficacité de captation augmente aussi avec les débits d’eau et d’air. Cela multiplie la probabilité de contact air empoussiéré/eau. Par ailleurs l’augmentation de ces débits dans la gorge du venturi accroît proportionnellement l’efficacité des laveurs-venturi. La collecte des particules étant principalement influencée par la vitesse du jet d’eau pulvérisé.

Jusqu’à 200µm l’ajout d’un tensioactif et l’augmentation de la hauteur de chute améliorent la captation des poussières pour des gouttelettes d’environ 3mm. Car le tensioactif accroît la déformation de la goutte pendant la chute donc sa surface de contact.

Le transfert de poussière d’une phase gazeuse à une phase liquide peut engendrer d’importants coûts de traitement, de consommation d’eau et d’énergie par rapport à la voie sèche. On utilise les laveurs pour résoudre un problème de sécurité liés à des poussières explosives et de gaz inflammable, ou lorsque l’air à traiter s’approche de la saturation en eau.

La voie humide propose aussi des colonnes à bulles pour dépoussiérer l’air. Celui-ci est réparti uniformément sur la section de la colonne sous forme de fines bulles. L’efficacité de la captation des poussières augmente avec la hauteur du liquide, donc le temps de parcours de la bulle dans celui-ci. 

La réduction du débit d’air favorise la diminution du diamètre des bulles et élève l’efficacité de collecte. Par ailleurs cette efficacité augmente avec : la taille des particules entre 1,5 et 20 µm (stable au-delà, en deçà de 1µm : efficacité faible), l’usage de tensioactifs, la taille des orifices de distribution du gaz. On peut améliorer la moindre efficacité de collecte des particules nanométriques par la finesse des bulles, le régime de bullage, l’ajout de garnissage pour améliorer le temps de séjour des bulles. 

La construction et l’installation de colonnes à bulles est assez simple, et de coût relativement modique. Cependant l’efficacité de captation reste faible comparée aux filtres à manche ou aux électrofiltres.

Les électrofiltres ou dépoussiéreurs électriques ou précipiteurs électrostatiques

Le principe de captation des poussières consiste à charger électriquement les particules, puis à utiliser les interactions électrostatiques pour les dévier de la trajectoire du flux empoussiéré. Les poussières chargées se dirigent alors vers une électrode de charge électrique opposée où elles s’agglomèrent. 

Des électrodes émissives (souvent des fils) et des électrodes réceptrices (des plaques) forment ce dispositif. On applique une tension négative aux anodes qui émettent des électrons dans leur voisinage. Ceci a pour effet de ioniser les molécules de gaz qui, attirées par les cathodes, heurtent et chargent électriquement les poussières sur leur parcours. A leur tour les poussières chargées sont attirées par les plaques et s’y agglomèrent. On maintient l’efficacité du filtre par décolmatage périodique des plaques selon diverses techniques : vibration, martelage, lavage. Les poussières sont collectées dans une trémie puis évacuées.

L’efficacité d’un dépoussiéreur fixe électrique dépend de :

  • la résistivité de la poussière (entre 106 et 1014 Ω.cm).
  • la vitesse de passage de l’air (1 à 4m/s)
  • la physicochimie des poussières
  • la géométrie des électrodes

Sous 106 Ω.cm, les poussières atteignant l’électrode collectrice perdent facilement leur charge électrique et peuvent être reprises par le flux d’air. Au-dessus 1014 Ω.cm une couche isolante se forme sur la cathode et entrave l’efficacité du filtre.

Le passage de l’air dans l’électrofiltre entraîne une faible perte de charge (50-100Pa). Pour augmenter l’efficacité du dépoussiéreur électrique on peut placer en série plusieurs champs électriques de captation (entre 2 et 6) selon l’avancement du dépoussiérage. Ceci est optimal pour des particules supérieures à 100nm. Cependant, lorsque les particules ont une taille inférieure à 16nm, plusieurs électrofiltres à un seul champ sont plus efficaces. Et pour une taille de 0,2µm on passe par un minimum d’efficacité de captation.

Des électrodes émettrices de petit diamètre, et des électrodes collectrices de surfaces importantes augmentent l’efficacité de collecte des poussières. 

Le mauvais réglage de la tension peut générer un claquage entre électrodes, donc un risque d’explosion. Un électrofiltre humide répond à ce risque. Le principe de fonctionnement est identique à l’électrofiltre sec. La différence provient de la présence d’un film humide sur les électrodes collectrices alimenté par un arrosage goutte à goutte. La captation

Le volume d’un électrofiltre est important ; l’investissement qu’il représente également. La consommation d’électricité, et la nécessité d’un personnel qualifié, rend son coût de fonctionnement élevé. Les électrofiltres sont recommandés pour de grands débits gazeux (80 000 m3/h). Ils sont principalement utilisés dans l’industrie lourde : sidérurgie, unités d’incinération des déchets, cimenteries, unités de production d’énergie.

Conclusion

Le dépoussiérage met en jeu plusieurs effets pour séparer les particules du flux d’air : décantation, impaction, centrifugation, mouillage, filtration, attraction électrostatique. Les dépoussiéreurs souvent en combinent plusieurs pour atteindre le niveau visé de dépoussiérage. Celui-ci atteint d’autres critères entrent en jeu selon le contexte industriel, tels la mobilité, la localisation du dépoussiéreur, etc. 

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